Témoignages

J’ai 7 mois et demi

marie, témoigne sur le drame qui a touché sa famille, le syndrome du bébé secoué

La maman d'une petite fille, survivante de la maltraitance du bébé secoué nous parle de son histoire. Elle met des mots sur sa douleur, sur ce drame, sur ses émotions.

J'ai 7 mois et demi

Je me lève un matin comme les autres, ma maman me porte dans ses bras, le sourire aux lèvres, la journée commence... mais j'étais bien loin d'imaginer que je la terminerais entre la vie et la mort, ou je dirais plutôt à moitié morte... L'enfer.

Il est midi passé, ma maman arrive chez la personne qui me garde, je fais des pauses respiratoires, je suis inconsciente, les yeux à moitié ouvert. Maman me parle, je l'entend mais je m'en vais tout doucement, et un peu plus chaque minute... L'enfer.

Le diagnostic...

Arrivé aux urgences, le diagnostic se pause très rapidement. J'ai subi une violence très forte, j'ai été secoué, j'ai été maltraité par un adulte. J'ai mal. Je suis revenu à la vie mais j'hurle, cette douleur est atroce les médecins m'apaisent avec les médicaments... L'enfer.

Maman, et Papa sont là, près de moi, tout le temps. Je les sens, je les entends mais je ne les vois pas car... mon cerveau est rempli de sang mais mes yeux aussi. J'ai une double hémorragie cérébrale et des hémorragies rétiniennes... L'enfer.

Je voudrais attraper la main de maman, et la serrer fort pour lui dire que je me bats mais je ne peux pas, mon bras gauche et ma jambe gauche ne bouge plus. Je voudrais lui sourire et lui montrer que je suis toujours la petite fille insouciante que j'étais mais je n'ai pas la force, les médicaments me font dormir... L'enfer.

J'entend maman et papa pleurer chacun leur tour, le jour, la nuit. Ils sont inquiets, ils ont peur. Est ce que je vais réussir à me battre, me sortir de ce pronostic vitale engagé ? ... L'enfer.

Un soir maman et papa ont dû me laisser alors que j'étais toujours entre la vie et la mort, ils n'avaient pas le choix. Ils ont dû aller chez les gendarmes, c'était un déchirement pour eux de me laisser. Ils sont rentrés tard, 2h du matin mais ils sont revenus tout de même. Mamie est restée près de moi pendant ce temps mais quand ils sont rentrés, le médecin était dans ma chambre d'hôpital, je n'allais pas très bien. Maman était exténuée et en plus à ce moment, j'étais là seule à le savoir avec papa mais maman était enceinte de 2 mois. Il fallait que je me batte, je voulais connaître ma sœur, et redonner espoir à mes parents.

Après quelques jours et avec une force incroyable je reprends un peu de vie, je commence à voir quelques ombres, je refais mon premier sourire, je bouge légèrement mes membres. Je me bats pour mes parents et ma famille.
Mais nouveau coup dure...une nuit je fais une crise d'épilepsie, puis une autre le lendemain et encore une quelques jours plus tard... L'enfer.
Je n'ai plus de tonus, je n'arrive plus à me nourrir toute seule, on me pause une sonde pour pouvoir m'alimenter... L'enfer.
Les prises de sang, les IRM, les échographies, les scanners, les EEG, les médecins, les infirmières, les médicaments et cette chambre d'hôpital sont mon quotidien pendant plusieurs jours... L'enfer.

Je suis un bébé mais je me bats pour vivre, car un adulte m'a blessé volontairement... L'enfer.

Le jour de ma sortie

Voici enfin le jour de ma sortie, je vois maman et papa rassurés que mes jours ne soient plus en danger, mais stressés de cette nouvelle vie qui nous attend. Je suis sous traitement épileptique, et je le serai pendant 9 mois. Plus rien ne sera jamais pareil.
Le jour de ma sortie nous sommes partis à la première échographie de maman pour voir ma sœur, pour voir si elle était toujours, elle aussi, en vie. Maman appréhendait après tout ce qu'elle a traversé, après toute cette douleur. Mais ma sœur c'est accrochée, comme moi.
Je suis sortie de l'hôpital, maintenant je dois trouver un nouveau rythme, retrouver ma maison, mais aussi rencontrer de nouvelles personnes que je croiserai très souvent et pendant plusieurs années : kinésithérapeute, psychomotricien, neuropédiatre, ophtalmologue, orthoptiste, orthophoniste, pédiatre, médecin, je suis bien entourée. Ils sont supers  avec moi mais moi je préférais aller me balader, aller au parc jouer, jouer dans ma maison, dans ma cour, jouer avec ma sœur, et me réveiller quand je le souhaite de ma sieste, plutôt que de devoir aller à ses rendez-vous, avoir des horaires à suivre..

A qui faire confiance pour me garder ?

Papa et maman pensent que je dois retourner au contact d'autres enfants, mais c'est difficile pour eux de me reconfier à quelqu'un au bout de plusieurs mois. Ils passent un cap et je vais à la micro crèche un jour par semaine. C'est dur au début. J'ai du mal moi aussi à accorder ma confiance, à jouer avec les autres, à accepter les adultes près de moi. Petit à petit je prends confiance , papa et maman sont soulagés et remercie du fond du cœur le personnel de la micro crèche d'avoir été bienveillante et patiente avec moi.

Aujourd'hui je grandis, je suis courageuse et bientôt je vais entrer à l'école. C'est une nouvelle étape pour moi et mes parents. Maman s'inquiète car mon œil droit est abîmé à cause du traumatisme que j ai subi. J'ai une vue de seulement 1 sur 10 sur celui ci. C'est dur pour moi. Je dois porter un cache œil tous les jours pendant 6h. Et ça depuis déjà 2 ans... L'enfer.

Je ne comprends pas pourquoi on me met ça, même si maman me répète que c'est pour m'aider plus tard. Je suis petite et moi ça me gène. Ce n'est pas agréable. Je n'aurai pas dû vivre tout ça si on ne m'aurait pas blessé volontairement.. l'enfer.
En plus de tout ça, la personne qui m'a fait du mal, n'a jamais eu aucun remord. Elle n'a jamais eu le courage d'au minimum s'excuser. Et elle n'est toujours pas jugée pour ce qu'elle m'a fait.
J'espère que je grandirai avec de meilleurs valeurs. Maman n'en doute pas car elle sait comme mon cœur est grand et pure.

Aujourd'hui, malgré tout ça je suis une petite fille de 3 ans, je suis heureuse, je suis gentille, douce et calme. Mais je n'ai pas la vie que j'aurai du avoir. Cette personne m'a volé ma vie, celles de mes parents et de ma sœur.

J'avais 7 mois et demi, j'ai survécu au syndrome du bébé secouée et j'ai traversé l'enfer.

La maman

2 thoughts on “J’ai 7 mois et demi

  1. Le procès n’ayant pas encore eu lieu, la maman a souhaité que ce témoignage reste anonyme.

  2. Marie Morana Fonteneau dit :

    Témoignage poignant

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