Témoignages

Témoignage – Rosalie

Témoignage Rosalie victime du syndrome du bébé secoué

Rosalie, mon amour…

Ma fille Rosalie, née le 11 Novembre 2000, n’avait pas trois mois lorsqu’elle a été victime du syndrome du bébé secoué, je venais de trouver une nouvelle nourrice agréée près du lieu de mon salon de coiffure, cela devait m’apporter plus de confort dans l’organisation de mes journées, ma grande fille étant à l’école maternelle également à côté.

Erreur de diagnostic

J’ai repris le travail à temps partiel, assez tôt pour aider mon employée pendant la période de fin d’année, malheureusement en tant qu’artisan on n’a pas le choix. Mi-janvier notre fille a commencé à avoir des vomissements, j’ai consulté mon médecin généraliste qui a pensé au virus de la Gastro entérite assez présent pendant cette période de l’année, elle a prescrit le traitement classique approprié, elle a aussi ausculté attentivement Rosalie, ses réflexes étaient bons.

Les jours passèrent, notre fille ne vomissait plus, nous étions rassurés. Un soir après l’avoir récupérée chez la nourrice, elle n’a pas cessé de pleurer, il a fallu de nombreuses heures dans nos bras avant qu’elle puisse s’apaiser… Puis quelques jours après les vomissements ont recommencé. J’ai à nouveau consulté mon médecin et j’ai fini par me rendre aux urgences le 2 février car nous étions très inquiets. Nous y avons passé 6 jours, l’interne de service a réalisé 2 échographies par la fontanelle, (il n’existe aucune trace) il avait l’air soucieux mais n’a rien exprimé d’alarmant devant moi, puis le chef de service est arrivé, il rentrait de vacances, il a très rapidement déduit que Rosalie avait une intolérance au lait ! Je n’étais pas rassurée et je lui en ai fait part mais sa personnalité condescendante à fait que j’ai accepté que nous rentrions à la maison, nous nous étions dit que, si ça n’allait pas rapidement mieux, nous retournerions à l’hôpital. Nous étions sur nos gardes mais nous étions loin d’imaginer ce qu’endurait notre fille. Le lendemain j’ai repris le travail, j’ai déposé Rosalie vers 8 h 30 chez la nourrice et dans la matinée elle m’annonçait que notre fille était dans un état grave et 5 minutes après j’ai retrouvé mon enfant en état d’arrêt respiratoire, c’était une poupée de chiffon

Un diagnostic sans appel

J’ai essayé tant bien que mal de lui faire du bouche- à- bouche, l’attente des pompiers, alertés par les voisins, semblait interminable, le pronostic vital était engagé, l’électroencéphalogramme en témoignait, puis l’IRM a confirmé la présence de plusieurs hématomes sous duraux d’âges différents et a permis de poser le diagnostic du SBS. Rosalie est arrivée par miracle dans le service de réanimation à l’hôpital Debrousse de Lyon à 2 h 30 de chez nous, opérée dans la nuit par un grand neuro chirurgien de l’hôpital neuro de Lyon avec pause de dérivations.

Nous sommes restés des mois sur Lyon anéantis, à essayer de comprendre l’horreur, à résister mais c’était trop violent, les séquelles étaient irréversibles, on vivait la peur au ventre.

Nous sommes partis ensuite dans l’Ain dans le centre médical de rééducation Romans Ferrari à ses 4 mois et demi, jusqu’à ses 7 mois car elle était en hypotonie et déficiente visuelle. Nous avons loué un gite dans une ferme pour avoir un semblant de vie normale et de partager à nouveau des moments avec notre fille ainée Margaux qui était restée de longs mois chez ma belle-mère, je n’avais qu’elle, ma mère étant décédée depuis 4 ans.

Justice ou injustice ?

La 1ere procédure a abouti à un non-lieu, nous avons fait appel bien évidemment.

Le tribunal de Nîmes en appel était une collégiale, ils connaissaient très bien le dossier et notre histoire, nous avons cru qu’un coin de ciel bleu s’ouvrait à nous et qu’enfin la justice allait s’investir pour défendre Rosalie. Pour info, la nourrice ne s’est pas présentée en appel, ni sont avocat d’ailleurs… Je ne savais pas qu’on avait le droit de décliner une audience ! La cour d’appel l’a renvoyée en correctionnelle, dans notre petit tribunal, devant un seul juge et un procureur qui dit l’inverse de celui de Nîmes. Ils ne connaissaient absolument pas cette maltraitance. Les changements de versions de la nourrice et le sang frais retrouvé dans le cerveau de Rosalie, daté par le chirurgien, prouvaient que notre fille avait encore été secouée le matin du 8 Février mais ce geste aurait été plutôt un geste de panique pour la sauver !

Comment survivre après pour Rosalie et sa famille ?

Je me suis écroulée, psychologiquement cela a été très compliqué, la justice vous broie. Me voyant dans un tel état nous avons tout arrêté pour essayer de nous relever et consacrer du temps à notre famille qui avait bien assez souffert. J’ai le sentiment que notre avocat de l’époque n’était pas en mesure de nous faire avancer. L’hôpital, qui a commis une erreur considérable, a été responsabilisé.

Aujourd’hui encore je regrette de ne pas être allée en cassation mais il vrai que le contexte de l’époque était très compliqué, il y a 23 ans, nous nous sentions seuls, c’était très tabou et nous trouvions peu d’informations en France pour nous aider dans ce combat. J’ai passé des heures sur internet à chercher des solutions.

Le parcours de Rosalie a été très difficile comme vous pouvez l’imaginer. Au-delà de l’aspect dévastateur sur l’enfant et la famille, la colère concernant la justice ne m’a jamais quittée, Rosalie était handicapée et il fallait faire avec ?  La nourrice a été interrogée 4 mois et demi après les faits, il se pourrait que ce ne soit pas elle aux dires de la justice, alors pourquoi ne pas poursuivre les recherches ?

Des expertises psychologiques ont été réalisées, mais pourquoi faire ? des comptes rendus significatifs ne sont pas des preuves…

Grace à l’association Tatiana j’ai rencontré une avocate spécialisée en dommages corporels qui connait bien le SBS et défend les victimes avec force et détermination. Elle a repris le dossier en 2019 pour faire reconnaitre et indemniser Rosalie en tant que victime, cela a été assez ardu mais il ne pouvait en être autrement. Bien évidemment nous avons des réponses grâce aux rencontres d’experts qui connaissent bien mieux cette maltraitance. Mais plus de 20 ans après, le handicap est là et pour notre fille nous avons un sentiment d’injustice car il n’y a pas de responsable officiellement désigné.

Mes pensées accompagnent parents et enfants qui ont à affronter ces situations dramatiques et je pense tout le temps aux enfants de Roman Ferrari qui par leur courage m’ont donnée la force d’avancer.

Béatrice PAUL

4 thoughts on “Témoignage – Rosalie

  1. Edwige Vinckel dit :

    Bonjour, votre histoire m a beaucoup touché ! Je suis la mamie de 5 petits enfants et Eva qui aurait eu 8 ans le 18 mars ! Elle a ete secoué par la nounou en 2016 a 6 mois de sa courte vie !
    Elle est morte sous les coups de cette tortionnaire!!
    Ma fille a vecu l enfer et la nounou a ete condamné a 11 ans de prison !
    Je comprends votre angoisse et je partage votre peine, c est tellement horrible ! Vous vous battez avec force et courage pour offrir une vie a Rosalie!
    C est tellement injuste et tellement dur ! Encore maintenant je rencontre des nounous qui n ont jamais entendu parler de SBS ! C est aberrant !
    Je pense tres fort a vous et Rosalie et je vous souhaite de trouver la force de continuer a vous battre..pour votre fille !
    Une mamie au coeur brisé !

  2. Valérie Miler dit :

    Votre parcours ressemble fortement au nôtre. Seule différence, le monstre est la mère. Aujourd’hui, le petit a 9 ans. Handicapé à vie, la Justice a relaxée sa génitrice. Une double peine pour les victimes. Terrible quand la justice ne protège pas et ne sanctionne pas l’inexcusable.

    1. PAUL Béatrice dit :

      Bonjour Madame,
      Votre histoire aussi me touche beaucoup, je suis tellement triste de vous lire, pensées pour votre petite fille Eva 🙏 Il faut énormément de force pour traverser le deuil d’un enfant… Oui, la prévention est notre seule arme ! Merci pour votre message, courage à vous et à votre famille.

    2. PAUL Béatrice dit :

      Bonjour Madame
      Difficile de lire qu’une maman puisse faire du mal à son enfant, oui c’est très compliqué quand la justice ne sanctionne pas. L’handicap est une très lourde épreuve mais le courage de nos enfants est notre grande force.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *